Victoria aime beaucoup les mots...mais pas l'informatique!

INFORMATIQUE

Embrouillaminis sur lequel on tique. Nouveau Dieu d’une planète que je n’aime pas visiter, tant elle me semble froide, triste et tristement binaire. Oui, je le clame haut et fort, rebelle honnie dans ce monde policé : je tique sur l’informe Attique. Pays dur, plus spartiate qu’Athénien, tyran sans cœur ni âme, dictateur tout puissant : je ne t’aime pas !

Donc je tique sur l’informe. Non pas sur le fait qu’elle puisse aider à informer, à défaut de me former à elle, plutôt parce qu’elle donne vie à une pagaille sans nom. Informe, sans aucune forme à regarder, à aimer, à toucher. Informe car sans aucune odeur ou goût, loin de tout sens connu. Il faut trouver un nouveau sens pour l’appréhender : un sens sans aucun sens, ce qui n’a pas de sens, et surtout pas le sens commun ! Mais voyez comme je m’égare déjà !

Informatique !

Fin de nos jolies secrétaires, ongles manucurés à la française, jambes croisées et stylo prêt à dégainer sur un carnet spiralé, pour prendre en notes sténographiées les discours d’un vieux savant barbu ou politicien pérorant. Puis, munies de leurs lunettes aux montures d’écailles, elles révélaient au monde entier, en tapant fébrilement et amoureusement sur des machines pourvues de feuilles bleues dupliquantes, les mots hiéroglyfiés qu’elles avaient entendus.

Informatique !

Fin des enveloppes qu’on timbre, langue collée au goût d’amande. Fin des foulées légères du matin ou celles lourdes d’un soir fatigué de travail, lorsqu'il faut les porter à la boîte aux lettres. Fin de l’attente fébrile ou anxieuse d’une réponse, portée par un avion, un train puis un facteur ou une factrice. Attente merveilleuse qui nous laisse le loisir de rêver, d’imaginer, de souffrir, d’espérer, de vivre enfin ! l’informatique nous prive de tout cela en repliant le temps, en apportant une réponse immédiate à toutes nos questions, en nous privant d’ennui, donc de création !

Informatique !

Système complexe de suites sans fin de chiffres simples en apparence : 0 ou 1, rien de plus, rien de moins . Desquels naissent des programmes infinis à vous donner le tournis.

Et le poète qui musarde, nez au vent, pensées au bord de l’âme ? Et l’enfant qui cherche, au-delà de l’ennui, une occasion d‘inventer un bon tour, pendable si possible ? Et l’inventeur qui essaie , rate et recommence ? Tous ceux qui, tâtonnant dans le temps et l’espace, découvrent des trésors insoupçonnés et des eurékas éblouissants : tous ceux-là sont dépassés par le flux incessant des informes informations dont l’informatique permet d’inonder le monde, dès le plus jeune âge.

Découvrir la Planète ? Inutile d’acheter sac à dos, boussole ou kit de survie : il vous suffit d’un doigt en bon état, pas même un pouce, et « clic », tout y est ! Photos, vidéos, commentaires, Géographie et géopolitique, Histoire et petites histoires, sourires d’inconnus que vous pouvez même grâce à un programme dédié, placer près de vous et voilà, vous êtes sur la photo, que vous pouvez, en un autre « clic », envoyer à tous vos amis éparpillés aux quatre coins d’un monde ainsi rapetissé, banalisé, lissé !

Envie de quitter un amoureux transi dont vous vous êtes trop vite lassé, face à cette débauche de choix faciles ? Un nouveau « clic » comme une claque et son nom disparaît à jamais : mieux encore, il n’a jamais existé, toute trace effacée et voilà votre histoire à nouveau vierge sur la toile !

Inutile d‘essayer de vivre sans avoir affaire à elle : l’informatique est partout présente, tapie dans chaque recoin de notre vie. Comme une tique, elle s’accroche à notre monde et suce toutes les idées, se gonfle de toutes les données que ses serviteurs zélés, tels des esclaves consentants et reconnaissants lui apportent en tribut : pensées, découvertes, joies, peines, sinus et cosinus, sinusites , maux de têtes et têtes à queues, je n’en puis plus !

Qui aujourd’hui peut vivre sans informatique ? Même les aînés trahissent, qui se mettent à l’étudier, à l’utiliser, pour écrire, envoyer leurs idées ou donner de leurs nouvelles en instantanée, pour regarder et suivre leurs comptes en banque en direct, « Clic » un virement, « clic » un versement ! Claque, je me suis trompé : trop tard, tu es ruiné ! Il fallait y penser un peu plus tôt et plus à fond !

D’autres vont y puiser des jeux, à l’infini, hors du monde et du temps, noyés dedans comme en une drogue qui les empêche de dormir, de manger, d’étudier, de penser !

Ah ! Penser ! Comme il était bon de se poser, de s’ennuyer, de flemmarder, de laisser ses idées se faire et se défaire, en s’enivrant de soleil et de mer ou du souffle léger du vent dans les cheveux sur un alpage verdoyant : avant ! Il y a bien longtemps ! Avant que l’on fasse de nous des pantins de l’informatique ,

Tic - Tac , Tic-Tact ! Tique  ou tactique ?!