Les fleurs sauvages

Les souvenirs étaient revenus,  attachés au village d'enfance, comme une offrande, un bouquet de fleurs sauvages. 

Les lieux étaient soudain emplis de sa présence frondeuse, joyeuse, espiègle, les ruelles, sentes, maisons, la vieille demeure habitée par sa famille, le cimetière et l’église, la rivière, les jardins, les champs et les vergers, les éboulis de pierre au flanc de la montagne, la source, le cerisier de Francisca, ...

Et bien sûr la grotte, la grotte préhistorique  dans laquelle il pénétrait librement.

A droite du grand porche s'ouvre une galerie

qu'il empruntait prudemment accompagné des plus grands. Dans l'obscurité, il traversait la montagne et arrivait bientôt sur le flanc opposé. Soudain, devant lui, sur les parois humides se reflétait la clarté du jour, puis venait le ciel, la vue sur les vallées verdoyantes en contrebas, au loin les hautes montagnes azurées. Il était petit, ignorant la topographie et la géographie, il contemplait ce qui s’offrait à son regard, l’autre côté qui était pour lui un autre monde.

Il  grandit jusqu'à l’âge de huit ans dans cette nature prodigieuse où tout était ouvert, plein de mystère et de beauté. Pour lui, le temps n’existait pas encore, seul régnait en maître l’instant présent, vécu dans un vif sentiment de liberté.

Ce goût irrésistible de la liberté lui fit, un après-midi d'été, se faufiler par le carreau cassé de la fenêtre d’une pièce où sa mère, parce qu’il pleuvait, avait demandé, à sa sœur et lui, de rester.

Sa sœur l'avait suivi, ils avaient joué à travers le village jusqu'à ce que l'ombre de la montagne s'étende sur les maisons. Ils étaient rentrés un peu penauds.

Un autre après-midi de juillet, longtemps après, il fila encore une fois par le carreau brisé. Cette fois-ci il ne rentra pas le soir venu. De l'autre côté aura-t-il trouvé un autre monde à aimer?

 Bernadette - juillet 2019